Retour vers le futur
Page 1 sur 1
Retour vers le futur
[RP en gargote bretonne]
Au vassal de l'altérité,Demat, Bonjour,
Salutations.
Au creux de l’ère des missions, je n’oublie pas la mienne et prends donc la plume avec diligence au sortir de cette dernière.
La frontière est passée. Tout juste. Me voilà chez moi comme en territoire étranger.
Elle l’est, passée, en solitaire malgré l’escorte.
Combien de régates se livrent, pensez-vous, quand tout un équipage fait physiquement le même voyage ? Bienheureux esprits qui avalent sans mal mille et unes lieues physiques et mentales.
En amatrice de cycles, comme tout bon druide, j’aime assez l’idée qu’après vous avoir quitté c’est vers vous que je me dirige. Nous ferons halte à Rieux, avant de rejoindre Rennes et votre poussière qui est déjà tellement vous que peut-être je chercherai, une fois amassée, à la sculpter selon vos traits.
Mes mots sont éplorés. Malheur. Horreur.
J’aime néanmoins l’idée. Qu’en dites-vous ? Puisse-t-elle s’être fait sédiment, depuis le temps, pour me faciliter la tâche. De suite je n’envisage pas à cela, tant ce séjour à Rennes m’enthousiasme. Quelqu’un qui avait mes traits et ma voix a pourtant dit, traitres propos, à ma compagnie que nous rejoindrions Vannes par la suite, si Guérande n’y débarque pas.
Le remords. Mord-t-il donc à ce point que certains le fuient comme la pire des pestes ? En Bretagne, il semble, mon cher, que l’on puisse saisir deux villes, faire l’une franche et laisser dans l’autre une baronne alitée, s’exiler un temps et revenir en réclamant un duché. Je maudis ces jours l’amnésie de ma patrie, tout en aspirant si souvent à l’apaisement des heurts passés. Je n’accorderai pas un pardon qui jamais n’a été demandé, Judas, cela vous semble-t-il trop peu magnanime ?
A chaque souffle disions-nous. Voilà, donc mes mots, mais le mien est étriqué de savoir qu’à un angevin peut-être vous arrachez le dernier d’une main, tout en me lisant de l’autre.
Tant pis, je me fais égoïste, et prierai pour l’infortunée victime avec gratitude, si par son sacrifice elle vous laisse en vie.
J’interromps là mes mots, afin qu’ils ne vous distraient pas trop longuement. Je ne me pardonnerais pas qu’un trait assassin vienne se glisser au milieu des miens.
A galon,
Aedem Mensura.
Faict en la campagne nantaise pendant que les hommes font, d'ar Sadorn 1 a viz Kerzu 1460
A vous,
Suzeraine de célérités,
Je vous salue ma mie.
Me voilà discret passant sur le fil de frontières plus nombreuses hélas. Etranger encore, un peu, souvent, c'est un état que j'honore serein, pourtant cette fois j'accuse un isolement plus abrupt que le votre. Ne me fait escorte que le froid, et la neige que je devine couver ma tête, rare auréole méritée, peut-être. Parfois je regrette la solitude que j'ai embrassée sur un coup de tête pour gagner l'Anjou... Mes gants ne seront jamais meilleure suite que mes gens, quoi qu'ils tendent à me dispenser un peu de chaleur et à m'adoucir faits et gestes. Je ne leur trouverai que l'avantage de garder leurs secrets et messages, leurs messages secrets, silencieux éternels de ce qu'ils savent et ne trahiront jamais. Si votre vaisseau a mille âmes, le mien désespère presque de n'avoir pour compagnie qu'un égaré îlot, regagnant mes pénates. Croyez que j'envie ces passagers qui n'effleurent sans doute même pas les récifs qui jonchent votre passage. Figure de proue discrète aux envies sempiternelles.
Les eaux Angevines m'ont laissé un étrange gout de sel... C'est une source à laquelle je reviendrai boire sans doute, à genoux, non loin de ceux , baignant paisibles, de l'ornement qui voyage seul au devant de tous. Elle me parlera peut-être des Guérandes, mystères à mon esgourde profane, quoi que doucement avertie... Faute de pouvoir prononcer sans écorcher, je me suis pris à écouter. Beaucoup. Elève attentif déjà, amateur persuadé de ces sonorités qui appellent. Faites vous sculptrice , je me ferai observateur fanatique de ces images nombrilistes qui reflèterons vos propres traits.
Du reste... Je me ferai silencieux sur des à-propos qui m'échappent, sans douter de la justesse de vos condamnations. Je suis bien mal placé pour juger les agissements d'autrui, voyez. La vie se joue de nous, lorsque je quitte l'Anjou aux mamelles de laquelle j'ai bu jusqu'à plus soif l'illustre vin pour la pourfendre avec mes frères. Le sort est sarcasme lorsque j'ai trainé ses tripots, l'exaltant gout du jeu au ventre, et que je lui disputerai une ultime partie souhaitant triompher de sa dernière carte. Je ne parlerai pas même de mes arcanes de vie, c'est un sujet que vous me connaissez désormais. J'ai vendu mon bien Andégave sans remords, hier j'étais ami, aujourd'hui compte ma réflexion, demain je serai amant... De l'Anjou. Je lui dois bien quelque chose, à cette scandaleuse culottée, une mort aussi présomptueuse que grande pour m'avoir fait don d'une poignée de nuits auprès de vous. On achève un grand ennemi aussi fort qu'il nous a séduit. Car s'il est bien un fait avéré, c'est que toute part d'amour comporte sa part de haine, sans doute n'y êtes-vous pas étrangère...
Dieu vous garde,
Diable nous garde.
Burgundiae Fidelis,
Faict en la campagne Limousine un jour du mois de décembre de l'an de grâce 1460 et signé de ma main,
Judas Gabryel Von Frayner,
Seigneur de Courceriers et de Miramont,
Petit seigneur d'une Grandeur aux chimères.
A Judas Gabryel Von Frayner,
Seigneur des frontières,Ne me nommez pas comme vous le faites, malheureux. Si sur la hâte j’avais le moindre pouvoir, je ne vous l'écrirai pas. Je ne peux si facilement vous invoquer, contrainte à ne faire que rêver de la douce ubiquité, et suis réduite à l’activité dont je vous ai parlé, que vous avez-vous-même évoquée. Sommes nous donc jumeaux pour qu’en mon désir de façonner les particules à vôtre image, ce soit la mienne que vous voyiez ? De grâce, ne faites pas de moi la Narcisse de la poudre du passé, à moins que celle-là soit la neige qui me guette ?
Mon ami, discrétion vous sied aussi bien qu’un gant miteux et élimé à vostre main, mais puissiez vous vous faire spectre aux pattes humbles si vous échappez ainsi à la lame avide de l’Ankou.
Solitude et compagnie, Judas. Spectre, vous en explorez les dimensions. Permettez-moi sur le sujet une courte réflexion. Celui qui ne sait être seul craint de l’être réellement même au milieu d’une foule. On l’embrasse parfois pour finalement la quitter dans l’ailleurs. Lorsqu’on en connaît les arcanes, finalement, il est aisé d’être en compagnie de ce qui est absent, tout en jugeant l’être là diaphane et lointain.
Au sein d’une tempête, on peine à distinguer la proue de la poupe, les compas sont embrouillés et quand la capitaine est muet, l’équipage ignore dans quelle direction il rame, voguant ainsi vers Salut ou Perte. Deux ports, Salut des uns étant Perte des autres, chacun voguant ardemment vers le sien.
La galère se brisera-t-elle en son centre si nul capitaine au tambour sonnant ne met d’ordre dans cette mêlée ?
Quand une nation entière sacrifie les évidences sur l’autel d’une paix surfaite, où les dites évidences s’en vont dans l’Autre-Monde -là où Justice a encore son noble nom, retrouver les alliances angevines, elle embrasse des projets dont elle a maintes fois été victime. De cela je me désole, sans visiblement en avoir le droit. Paix des ménages oblige.
Sus à la mémoire, le présent parle!
Les eaux dont vous parlez. Elles sont amères et salées, tristement. Aigries. Croupies, aussi sûrement. Le rouge m’en monte aux joues. Chaque mois pourtant, à la lune pleine, et vous le savez, elles sont renouvelées, mais lorsque le roc est profondément marqué, mon aimé, combien d’années sont nécessaires à ce que la balafre s’évanouisse ? Doute et culpabilité m’accompagnent, le roc n’est-il pas assez friable ? Ou l’eau baume lustrant trop inefficace ?
Quand le ciseau a mordu l’albâtre aussi cruellement que le fer rouge dévore la chair, avec obstination… Non… Vivement ces histoires vous seront contées, car c’est ainsi que scelaig narre.
Puisse votre impatience, et vôtre soif, vous poussez à les quérir vite, dusse-t-il pour cela vous conduire à marcher sur l’Anjou. Quoique, ce sont de mornes épopées, dont vous aimeriez peut-être vous passer. Mais si vous vous entêtez, peut-être alors les pluies hivernales auront-elles fait leur office, et amendé la plaie, quand l’artiste lui n’émet pas le moindre regret pour son travail disgracieux. Chacun juge l’art avec ses yeux, il faut l'admettre, non?
Quoiqu’il en soit, je ne peux qu’espérer, me faisant votre vice-versa, que la haine comporte sa part d’amour…
Je me fais Sylvestre aujourd'hui, si vous le voulez bien, valet témoin sans oser dire malin de la scène qui en nos royaumes se joue. Je suis ainsi alliée à tous sans être à personne, dans un élément qui me convient. Car oui, doux nom, ils jouent, déplaçant leurs armées comme des pions, au gré de leur envie. J’implore le sort pour qu’au cours de cette partie, tout joueur que vous êtes, vous soyez avec soin déposé sur une case-havre où nul roi, nulle reine, et nul fou ne vous menaceront. Non… Soyez tour, Judas, que de ce donjon je puisse me faire l’otage et la vigie.
Vous remarquerez peut être aussi que c'est de Vannes que je vous écrit. Port aujourd'hui honni quand j'aspirais tant à le retrouver ami. A Rennes j'irai, lorsqu'aux nécessiteux angevins j'aurai porté pain et vin, en priant pour que leurs forces renouvelées ne soient pas vers vous dirigées. Peut-être me maudirez-vous, mais en tant que Gardienne de Cholet, je ne peux fermer les yeux comme le fait la grande majorité des bretons.
Puissent mes mots vous apporter quelque chaleur. Autorisez-vous à les mettre au feu, s’ils peuvent ainsi servir, j’en tirerai grand bonheur. Et laissez-moi vous souffler que Diable en son royaume est plus chaleureux, si vous êtes homme de sens premiers, corps plus qu’esprit.
Votre Intarissable et Traitresse amie,
Aedem Mensura.
E Gwened, d'ar Merc'her 5 a viz Kerzu 1460
A Chimera de Dénéré-Malines,
Maitresse du subliminal,
Entête entêtée,
Bonjour douce amie.
Vous étiez peut-être Narcisse inaccessible il est vrai, et sans perdre cet aura lointain et si proche à la fois désormais je vous déclare Soucis, fleur légère de mon jardin secret, sans épines mais point sans défenses. En perdez-vous pour autant vostre complexité? Je crois que non, pour ma bonne fortune. D'icelle d'ailleurs prions que je sois accompagné, quoi qu'il me vient de troubles pensées lorsque je vous lis si près de la Mort. Gagez que si l'Ankou est à vostre image, je le laisserai me prendre, et sa lame sera le sillon interdit de vostre langue, comme ses griffes l'étau plaisant de vos bras. Je m'avance vers lui sans faire de bruit, je jouerai contre son sein au son des chants et cris de guerre. Parait-il que la vie est parfois le frisson d'un cauchemar dont la mort nous réveille. Qu'à cela ne tienne.
Je suis en territoire Berrichon, ma progression est lente mais sûre sur ces terres qui ne voient se mouvoir que de migrateurs soldats en pèlerinage vers le Domaine Royal. Je les regarde passer comme quelques oiseaux hagards, en bancs éclatés par leur sinistre destin. Je me sens l'un d'eux tout en gardant mes distances face à l'inéluctable qui nous attends. Chimera, si de solitude vous me savez presque vaincu, ne cherchez pas à deviner comment je lui survivrai. Ce que vous imaginerez sera sans doute aucun bien loin d'une réalité qui sera façonnée aux aléas des batailles... Les Misaudors aux étendards amis s'en viennent bientôt frotter leur carapaçons au mien. Si le Très Haut y consent, demain nous serons vingt puis cent marchant vers Orléans, des nouvelles me viennent pour m'apporter la venue prochaine de ces migrants connus. Je ne voguerai pas plus longtemps seul. Quant à voguer d'ailleurs...
Au fil de l'onde je me refuse à regarder le navire sombrer. Je n'y vois que ma perte, en égoïste, sus à tout cela et à tout le reste, le présent parle. Je me ferai au possible Mnémosyne plus que Scelaig, ayant à coeur et à corps de hâter la disparition inévitable de ces stigmates qui mutilent. Et moi plus que le temps déclare présomptueusement que ces plaies seront pansées, puissent-elles l'être dans la folie de nos égarements. Puisqu'au lit comme à la guerre... Nous sommes tous perdus. L'eau coulera encore ma mie, comme l'encre et comme le sang, ce rouge qui flouera mes yeux sur les terres écartelées de ma destination. J'aurai l'impression en tranchant une salve de vie que vos cheveux me caresseront le visage, là où ce ne sera qu'une giclée d'ichor. D'ichor ennemi. Et j'en manderai encore. Ardent désireux de prendre encore, et encore, et encore. Mes victoires seront vous, et vous serez ma victoire, souillée de fierté tant que de honte, pour ce droit que nous nous sommes octroyé sans jamais en éprouver de remord. Chimera! N'est de morne épopée que l'exploit où votre rouge ne flamboie.
Vos prières sont belles et plaisantes à mon coeur, pourtant je n'y entend que de mauvaises peurs. Je préfère encore mourir de suette que d'expirer sans bataille, l'on me porte déjà souvent absent aux causes où l'on m'attend, il serait indécent de me soustraire aux malices de la guerre. Pour une fois, j'irai consolider les oeuvres de mon Roy. Moi qui l'ai tant espéré. Bourgogne brillera souvent de ces haut faits souverains, j'aurai au moins l'heur d'édifier de ma pierre contre leurs pierres ces ouvrages succincts.
Je vous imagine alimenter le monstre que je m'en vais tuer, sans mentir c'est bien là une idée qui me fait sourire. Puisque je vous dit que je ne peux occire sans vous savoir derrière tous mes combats. Vous serez-là. Rien que pour cela, comme puis-je vous maudire? Femme de bonté et d'abnégation, vous dirigez vers vous toute ma déraison... De cette chaleur qui m'émeut à cette gentillesse qui parfois me répugne, je le confesse. Me laissant à croire que d'autres pourraient en profiter, s'y frotter sans la mériter, en immense feu de joie. Amour ou haine, qu'importe, pour vous garder je préfère faire feu de tout bois. Je marcherais sur leurs royaumes s'il me font un pont vigoureux menant au vostre et chez vous je me ferai diable en sa demeure, bientôt.
Vostre visiteur lointain.
Ad Burgundiae Fidelis,
Faict en la campagne Berrichonne un jour du mois de décembre de l'an de grâce 1460 et signé de ma main,
Judas Gabryel Von Frayner,
Seigneur de Courceriers et de Miramont,
Petit seigneur d'une Chimère aux grands heurts.
Sujets similaires
» Pigeon expresso vers Suscinio...
» Le vent du Sud souffle vers Cholet ...
» Retour à cholet
» Escorte sur le retour à Vannes
» Le vent du Sud souffle vers Cholet ...
» Retour à cholet
» Escorte sur le retour à Vannes
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum