A propos d'un frère...

À Sa Grâce la duchesse de Cholet et baronne de Bubry, Chiméra de Dénéré-Malines

Votre Grâce,

Vous devez être étonnée de recevoir un courrier de ma main. Peut-être que la servante de votre frère vous a fait parvenir comme à moi une missive, mais dans le doute je vous envoie celle-ci. Votre frère se trouve actuellement entre la vie et la mort dans un lieu qui m’est inconnu. Lors d’une bataille à Rennes, le duc de Trégor lui est passé dessus. Il a fait passer des ordres pour ne pas que je puisse le rejoindre, car il craint pour ma santé. Je suis désolée de ne pas pouvoir vous apporter davantage de détails, j’aurai aimé, je vous l’assure.

Je suis néanmoins tout aussi têtue qu’il ne peut l’être et malgré ses recommandations je prends la route pour la Bretagne. Le pouvoir en place veut le faire passer pour suicidaire ; il se serait empalé sur la lame du duc, thèse à laquelle je n’adhère pas. Je veux que la lumière soit faite sur cette affaire et c’est pourquoi je vais prendre la route dans les heures à venir.

Je sais que nos relations sont des plus distendues, mais je sais que malgré tout nous avons quelque chose en commun et que comme moi vous tenez à votre frère. Ainsi, si vous le désirez je continuerai à vous écrire dès que j’aurai des nouvelles.

Recevez, duchesse, tous mes respects,


Vicomtesse de Besné et Héraut du Grand Duché de Bretagne

A Aanor Kergoat, Vicomtesse de Besné et Héraut du Grand Duché de Bretagne,

E Cholet, d'ar Gwener 21 a viz Genver 1459

Demat Aanor,

En la Bretagne d’aujourd’hui, où les bretons s’entretuent par les armes après l’avoir fait par les mots, plus rien ne m’étonne. Je vous remercie, donc, d’avoir eu assez d’égards envers la sœur que je suis, faute d’en avoir eu pour la duchesse il y a peu.
J’entretiens effectivement une correspondance avec Melisande, qui me nourrit au compte goutte, tel un prisonnier à la diette, d’informations sur l’état de mon frère. L’inquiétude me ronge, et le sort semble se moquer de moi en tenant sa localisation inconnue. J’en viens à croire qu’il me punit ainsi de n’être pas allée vers lui quand j’en avais l’occasion.

Je souhaite mettre de côté les actes du Duc du Trégor, ainsi que ceux les précédent qui les ont motivés, pour ne songer qu’à celui qui a véritablement fait les frais de cet œil pour œil ridicule dont plus personne ne saisit la dramatique portée.
Tout cela sera traité en son temps… ou oublié comme bien des crimes en Bretagne, qu’on abrite dans les angles morts de nos mémoires pour le salut collectif et l’intérêt prime du moment…jusqu’à ce que la donne change…
En gardienne de la mémoire que je suis, je n’oublierai pas l’affront qui a été fait à ma famille de sitôt…

Je m’étonne moi-même en écrivant ces mots mais…. Prenez garde à vous….
J’espère que cette missive vous trouvera loin des soucis qui accablent notre duché, sans que je puisse imaginer un seul lieu où un breton ne se sentirait pas au cœur de ces troubles…Si grand soit mon mépris des intentions de vos compagnons, je ne souhaite pas qu’il vous arrive malheur alors que vous allez rejoindre un frère que j’ai, à bien trop d’égards, abandonné.
Et si jamais vous avez davantage de nouvelles…. Vous ferez de moi votre éternel débiteur en me les transmettant…

A galon,

Chimera de Dénéré-Malines
Duchesse de Cholet et Baronne de Bubry
Chambellan de Bretagne