De l'amie lointaine
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De l'amie lointaine
Genève,
Le 7 octobre 1460
Ma Chère Chiméra,
Toi, l'étincelle parmis les étincelles...
"Nous sommes tous de petites étincelles issues d'une grande flamme, et cette flamme est la source de tout ce qui a été et de tout ce qui sera..."
Il y a déjà plusieurs jours que j’ai appris la nouvelle de ton renoncement à la tâche ô combien complexe et laborieuse d’Archidruidesse. Ton départ de cette fonction est une grande perte pour l’ensemble de la communauté des Druides de Breizh…. Tu possédais -et possèdes toujours d’ailleurs, ton départ ne t’enlève absolument rien- toutes les qualités nécessaires : la conviction, la sagesse, la patience, la tolérance, l’écoute, la capacité à se remettre en cause… et tellement d’autres. Malgré nos divergences conceptuelles du druidisme, je suis pleinement consciente que le chemin parcouru par et pour le druidisme grâce à toi est immense. Sans toi, le druidisme ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui ! Et en ce jour, je tiens tout particulièrement à te remercier pour toute l’énergie que tu y as dépensée. Tu as amplement mérité le repos.
Je sais que ce chemin a été parfois sinueux et que comme tout engagement, il a porté son lot de sacrifices… Mais, je sais aussi que tu sauras garder de cette étape de ta vie, tous les apprentissages et les joies ayant jalonné ce chemin…
Maintenant que tes mains et ton esprit sont déliés de cette responsabilité. Je te souhaite, du plus profond de mon cœur, de te poser, de te ressourcer, de te retrouver… de prendre le temps de regarder toutes les beautés simples que la Mère nous offre tous les jours et que les turpitudes de la vie nous font si vite et si souvent oubliées.
Mes pensées et mes prières à la Mère vont vers toi.
Encore merci pour le don de toi que tu as fait si longtemps pour nous, enfants de la Mère et druides de Breizh.
A wir Galon
Cael,
qui même loin ne t'oublie pas !
Re: De l'amie lointaine
Au phare de Genève, salut quand les vérités ne sont plus,Le feu manque d’oxygène.
Il a essuyé trop de tempêtes et le bois dont il se nourrit est humide, si humide qu’il n’offre plus de prise à un quelconque embrasement.
Peut-on fouler une chose au pied et lui reconnaitre de l’importance quelques jours seulement après l’avoir fait? Quelle est cette inconstance que je semble être seule à juger sans sens ? Suis-je donc rongée par l’amertume au point de ne parvenir point à contribuer franchement à l’avancement de l’ensemble ? Ne me loue pas, je pourrais passer des heures à lister mes torts. Je doute de détenir ces capacités que tu me prêtes, notamment en ce qui concerne la remise en cause nécessaire à tout homme, qu'il mène ou non. Quand l’exigence de cela devient l’épée qui transperce et qui tranche à jamais le lien qui nous rattache à l’envie de faire… que faire?
Si mon renoncement à la fonction d’archidruide permet le renouveau du druidisme, alors je finirai par en oublier l’amertume. Si d’un autre côté il provoque sa lente agonie, alors je me permets d’espérer que l’impulsion égoïste et mesquine ayant provoqué mon départ saura prendre conscience d’elle-même et s'amender, faute de pouvoir le faire honorablement désormais.
Je suis frappée par la folie. Je ne parviens pas à renoncer pleinement. Mes yeux restent fixés sur Saint-Just où j’avais tant d’espoirs. Sans vouloir participer à rien car quand l’humain a si cruellement fait défaut, la mission si grande soit-elle ne suffit pas, je ne peux m’empêcher de me soucier du lot, et d’agir ailleurs et autrement.
Je me suis retranchée à Etel où j’ai pris deux élèves. La ria est si paisible, Cael. Si paisible, d’autant plus lorsque le lieu est déserté. De là, et je commence à comprendre le clanisme si longtemps fustigé, je peux agir dans le cadre serein auquel j’aspire depuis toujours.
Dis moi, Caeliane, toi qui es si sage, ce qui est passé est-il à jamais révolu ?
Pourquoi… pourquoi pour donner du sens à son action faut-il toujours nier celle d’autrui, douce amie ? Lorsqu’on donne, même peu, on espère recevoir, surtout lorsque pour le bien d’un ensemble l’on accepte de répondre des faits et dires de chacun.
Parlant de la négation de l’action d’autrui… Le Grand duc a jugé que mon investissement pendant la guerre pour en servir un autre que lui n’était pas suffisante. Utilisant ce mesquin prétexte, il a dégradé ma terre pour me dégrader moi. De la grâce je suis donc passée à la grandeur, en me satisfaisant malgré mes joues roses d'embarras de pouvoir toujours veiller sur les terres choletaises. Si cela signifie que j’ai moins de comptes à lui rendre, alors j’en suis heureuse. Aucun noble de Bretagne n’a réagi à cette prise de décision, que cela soit en privé ou non. Imagines-tu ? Alors que lorsqu’il s’agit de soutenir les actes de destitution des familles entières co-signent les édits. Je n’attendais rien des couronnés bretons, quoiqu’il en soit. Tu serais en droit de me dire que je n’ai manifesté aucun soutien aux rares autres victimes de la pédanterie brocéliandesque, et tu aurais raison. L’amertume guide ma plume, n’y prête pas attention.
L’amour m’a également rendu visite, et s’est détourné bien rapidement, au point que je doute aujourd’hui qu’il ait porté le nom que je lui donnais, ou est-ce plutôt celui que je voulais lui donner ? J’y aurais consacré ma vie, et voilà qu’il faille déjà en parler au passé. Je suis plus sotte qu’une enfant, le sais-tu ? Je me crois aujourd’hui bien meilleure amante qu’épouse. Combien de tentatives avortées faudra-t-il pour que j’accepte cette vérité ?
Je ne trouve aucun salut dans le repos. La recherche de l’oubli, et de la servitude volontaire, apporte plus de déconvenues que je n’aurais pu envisager.
Moroses propos que voilà, n’est-ce pas ? Il existe quelques sources de lumière. Contre toute attente, la fille de mon vassal disparu et son époux ont demandé à se mettre à mon service. Je leur confie donc l’entretien et la défense des terres de Bubry. Hrolf s’est mis en tête de me constituer une garde, afin d’ôter au petit Grand Duc son argument me concernant. Le projet est louable, et je ne m’oppose pas à son désir de s’impliquer pour mon nom. Marypole m'assistera dans le développement discret de quelques projets culturels, notamment en ce qui concerne mon désir d'ouvrir les bretons à leur environnement géographique.
Mab_kasia s’est présenté un jour, barde avant d’être reconnu comme tel, aussi gauche et impatient qu’un nourrisson, la tête aussi dure que les menhirs bretons et bien trop prompt à la colère, il a décidé de me suivre partout, et je fais au mieux pour me montrer digne de ce sacrifice. Il finira lui aussi par juger que ce n’est pas assez, sans doute, auquel cas je le laisserai partir, ne l’ayant jamais contraint à me suivre. Je ne suis pas douée pour répondre à de hautes attentes, mais ai été sincèrement touché par son absolue résolution. J'ai encore en ce qui me concerne des choses à lui apprendre. Puisse-t-il s'accomplir, que ce soit à mes côtés ou sur d'autres chemins.
Il y a Ann-Solenn, plus conne sous le nom de Madcat, qui a désiré se mettre au service de la Déesse. Je lui apprends ce que je peux, nous avons tant de choses en commun. Et Lastree, si tu te souviens d’elle, dont la lumière est aussi rare que les phases pleines de la lune, mais d’une lueur qui suffit à en supporter les absences.
Tes mots enfin… Ils auront été un baume des plus efficaces, lumière d’autant plus chaleureuse qu’elle a parcouru des lieues sans faiblir.
Oh, et sais-tu ? Margot s’est mariée. Elle est heureuse, et rien que cela suffirait à éclairer mille journées. Je n’ai pas participé à la fête, trop de visages autrefois chéris aujourd’hui honnis, mais la cérémonie fut belle.
Il te faut me dire, Cael. Il te faut me dire ce qui te réjouis et ce qui te peine, afin que je puisse être pour toi une once du soutien que tu manifestes à mon égard.
Chaque jour est terni par ton absence. Donnons-nous donc à nous lire, pour palier à la tristesse de ne rien pouvoir de vive voix nous dire.
Aedem Mensura.
E Cholet, d'ar Meurzh 6 a viz Du 1460
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