L'eau coule sous le pont...

A Hrolf de Montfort-Vendôme,

E Angers, d'al Lun 5 a viz Gwengolo 1459,

Noz vat, Aotrou.

Nos hommes déchargent le navire, et c’est bercée par le malaise de ma culpabilité que je nous prenons la plume avant de débarquer en la ville d’Angers pour faire réponse, bien trop tardivement, à vôtre missive.
Exploitant l’inusable principe du « mieux vaut tard que jamais », nous vous adressons ces humbles mots en espérant que vôtre esprit troublé ait pu trouver conseil auprès de bretons plus diligents que nous ne l’avons été. Ces quelques phrases, à leur tour, vous apporteront peut-être le réconfort, peut-être une nouvelle vague de doute qu’en ce cas il vous faudra vite chasser.

Nous ignorons si nous aurions été de bon conseil en nous prononçant sur ce sujet qui vous préoccupait. Le personnage de la duchesse nous est tout à fait antipathique –nous croyons d’ailleurs qu’elle nous le rend bien- et nous aurions probablement évité de prendre position, par peur de vous aiguiller en fonction de nos propres orientations.

Ce qu’a fait la Duchesse était brusque, téméraire, et peu adroit. Cela dit, il faut reconnaître que son agacement était légitime. Fort heureusement, la guerre a ramené notre souverain près de nous. Le coup d’éclat est-il pour beaucoup dans ce retour ? Elle le pense sûrement et s’en félicitera probablement, histoire de n’avoir pas fait tout ce raffut pour rien. Toujours est-il que pour l’instant il n’est plus question du moindre audit, et c’est tant mieux. La manœuvre aura apporté son lot d’aigreurs et de déceptions, c’était à prévoir.

Toute cette agitation a finalement pris fin, et nous espérons que vous ne regrettez pas votre décision. Peut-être vous aurions-nous conseillé de conserver votre poste par égards pour les bretons, mais nous savons la difficulté d’œuvrer dans un Conseil à l’ambiance délétère. Votre décision est prise, nous évitant ainsi de devoir vous conseiller l’un ou l’autre. N’oubliez pas, cependant, vous étiez, vous restez, un élu du peuple. Il en va de votre devoir de continuer à honorer la confiance qu’en vous les bretons en placée, que vous siégiez ou pas au Conseil. Nous pensons n’avoir pas à douter de votre investissement pour Breizh.
La précision, pourtant, n’était pas male à faire.

Esperant que ce pli vous trouvera en bonne forme, vous et Marypole à qui vous voudrez bien transmettre nos amitiés,
A galon,

Duchesse de Cholet et Baronne de Bubry

À Sa Grasce Chimera de Dénéré-Malines,
Duchesse de Cholet,
Baronne de Bubry,

E Roazhon, d'al Lun 5 a viz Gwengolo 1459,


Vôtre Grasce,

C'est avec grand plaisir et grand honneur que j'ai pris connaissance de vôtre missive tantôt.

Soyez pleinement rassurée, je ne suis point marri de vôtre réponse tardive et je vous en remercie.

Oui après moult réflexions j'avais pris la décision de présenter ma démission de ce Conseil à Sa Grasce la Duchesse. Le lieu en fut la salle du Conseil. Je vous passe les quolibets dont j'ai fait l'objet. Certaines personnes ont essayé de me faire passer pour un volatile qui stationne en haut des clochers et qui donne le sens du vent. Cela est bien mal me connaitre et pour certains il est difficile de penser que les actes sont obligatoirement conditionnés soit par l'ambition soit par le désir de plaire à un puissant pour justement alimenter cette ambition.

Après grandes discussions intenses et l'intervention de plusieurs personnes, Sa Grâce refusa ma démission. Sensible à quelques arguments d'intervenants en ma faveur, j'ai fini par renoncer pour le bien de Breizh. Depuis je fais de mon mieux à la tâche. Mes interventions au Conseil se font rares, mes anciens colistiers me considèrent comme un traitre mais cela ne me touche pas. Je positive, il n'est plus question de trainer Sa Majesté devant une mascarade d'audit et c'est bien là le principal. Si ma modeste contribution a pu aider à en arriver là alors tout ceci n'aura point été fait en vain.

Vôtre Grasce, mon épouse Marypole et moi même sommes actuellement dans l'Armée du Chevalier de Landrévarzec et nous nous apprêtons à faire notre devoir comme tout bon breton devant la menace françoise.

Mon épouse se porte fort bien et elle vient juste de faire ouvrir les yeux en ce monde à notre fille Mathieg. Cela nous comble de joie !

En espérant que vôtre voyage vers Angers vous aura été agréable,

Respectueusement vôtre

Hrolf